30 août 2009

pensée d'une après-midi



esquisse photoshop d'un projet en cours, fait à partir d'une photographie de mode



Voici un texte écrit il y a quelques jours, un exercice relatif au mémoire. Un éclairage supplémentaire sur ma pratique. Incomplet, inachevé, mais qui dans une certaine mesure me permet tout de même d'y voir plus clair...


Les figures doubles sont des écorchés. Corps ouverts, pelés, disséqués, elles laissent entrevoir une peinture viscérale au-delà de l’image. Elles interrogent la représentation picturale dans son rapport à l’image par le biais de la figuration de l’être. Les figures doubles sont ambivalentes, ambigües, elles tiennent du suspens : entre image et peinture, masque et visage, surface et profondeur, mort et vie, simulacre et véritable, opulences et vacuités.

Les figures doubles s’intéressent aux représentations contemporaines de l’être, par le biais d’images populaires (photographies de mode, de people). Visages sublimés, lissés, retouchés, maquillés, éclairés, transfigurés, nous avons à faire aujourd’hui à des simulacres d’images. Plus que des moulages de cires de visages morts (cf. Imago), les visages contemporains sont des masques de cires bien vivants. Ils constituent des simulacres d’images, des simulacres de masques.

Les figures doubles, dégoulinantes, écartelées, laissent apparaître une faille béante au centre de l’image, endroit où l’on pénètre au-delà du masque, au-delà de la surface, au-delà de l’image. On croirait pouvoir en ce lieu de vacuité dépasser la paroi opaque et découvrir le véritable, car c’est ici même que la figure s’écroule et que l’image disparaît. Mais les figures doubles, jouent d’une mise en abyme de la représentation et mettent en scène les enjeux de la peinture et de l’image (y a-t-il une vérité derrière l’apparence ?). C’est ainsi qu’elles révèlent non pas le véritable, mais le simulacre même, « vérité qui cache le fait qu’il n’y en a aucune ».

Allégories de la peinture même, les figures doubles, plus qu’une répétition ou un redoublement de l’image, agissent en miroir. Ce dernier « donne de la profondeur tout en réduisant le volume en plan »,(1) il est « en quelque sorte une métaphore de la peinture »(2). Il interroge de la même façon les rapports du réel et du virtuel face au véritable, pose le problème du simulacre. L’image n’est-elle qu’un reflet du réel ? Le reflet n’est –il qu’illusion ? Le miroir, paroi, pellicule, écran, est, de la même manière que l’image est le moulage d’un visage mort, le support de reproduction de l’objet réel. Construire une image en miroir reviendrait à couper le moulage en deux, au centre, là où se situe l’axe de symétrie verticale de notre visage. Créer cette brèche par le biais de l’axe vertical, c’est le moyen de chercher le véritable visage de l’image. Mais contrairement à un moulage, le miroir est en fait « un agent d’ambigüité » (3) et il permet alors contrairement au moulage de rendre compte des rapports complexes entre peinture, image, et reproduction (du réel ou de l’image). La construction d’une image en miroir que l’on creuse en abyme crée une accumulation de reflets qui vient perturber la lecture habituelle que l’on peut faire d’une peinture (sujet en premier plan, fond au dernier plan par exemple). En résulte un simulacre qui se révèle lui-même, simulacre de simulacre.

« Entre un objet saisi par la stratégie publicitaire et transformé en fétiche et un sujet de vénération religieuse » (4), les figures doubles « échappent à toute réponse définitive »(5) et bien au contraire se plaisent à jouer des problèmes que posent la peinture et la reproduction du réel. C’est un simulacre d’abyme sans fin, car en réalité la surface reste intacte, et les coulures, en plus de témoigner les blessures infligées à l’image, sont un rappel cruel à la planéité du support. Les figures doubles construisent un système qui fonctionne à vide, tel un serpent se mordant la queue. Elles se nourrissent de contradictions et de paradoxes. L’image se veut détruite, mais « l’aura est maintenue dans et part la répétition de l’identique ». (6)

Cependant, dans les figures doubles, l’utilisation du miroir n’est jamais totalement respectée. Décalages, différences, sont nombreux. « L’écart du reflet marque la présence du peintre en peinture et celle de la peinture dans l’image ».(7) « Le miroir peut donc bouleverser la perception du système mimétique de la peinture lorsqu’il reflète un écart. Il s’agit alors d’une peinture contre l’image : ce qui est peint n’est pas l’artifice d’une illusion, […] ce qui est donné à voir, c’est la peinture comme « corps physique ».(8) « La peinture est le miroir d’elle-même, miroir qui devient un détail emblématique en s’énonçant dans le tableau comme représentation de la représentation. Le reflet dans un miroir apparaît comme ainsi comme une indice de vérité que vise le tableau en pointant du doigt les opérations qui ont construit l’œuvre sur l’art en abyme […].(9)

Les figures doubles, idoles, dieux factices, corps à la fois réel et virtuel, monstre double comme simulacres successifs(10), cherchent la vérité pour mieux montrer le triomphe du simulacre. Au-delà de la vacuité centrale, du rappel à la planéité du support opposée à la volonté de creuser l’image, de la perturbation des codes de lecture le la peinture, « la couleur ici, n’est pas là pour animer le visage, mais pour le déréaliser. »(11) Ces couleurs criardes et acidulées renvoient, tels un miroir, non pas à la réalité, mais aux couleurs de l’univers médiatique, comme suractivées, elles jouent « le jeu de la fausseté ».(12)

Les figures doubles rendent « manifeste le conflit de la toile et de l’écran qui définit le statut de l’image moderne ».(13)



(1)Françoise Cachin, A travers le miroir, de Bonnard à Buren, musée des Beaux Arts de Rouen, 2000.

(2)Françoise Cachin, ibid.

(3)François Chevrier, A travers le miroir, de Bonnard à Buren, op. cit.

(4)Le grand monde d’Andy Warhol, Beaux-arts magazine, p.23

(5)Ibid. p.23

(6)Dominique Baqué, Visages, du masque grec à la greffe du visage, éditions du regard, 2007, p.53

(7)Soko Phay-Vakalis, « De l’écart à la transfiguration », A travers le miroir, de Bonnard à Buren, op. cit. p.57

(8)Soko Phay-Vakalis, ibid. p.59

(9)Soko Phay-Vakalis, ibid. p.61

(10)Voir les Désastres sublimes de Klonaris et Thomadaki.

(11)Guy Scarpetta, L’artifice, Grasset, 1988, p. 103

(12)Pierre Tilman, Monory, Frederic Loeb, 1992, p.56

(13)Bernard Blistène, « logique du banal », art press n°148, juin 1990, p.25

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Plus ça va moins j'apprécie ce genre d'exercice. Même si c'est toujours intéressant à faire, je trouve ça toujours pompeux, et j'ai toujours l'impression de brasser de l'air avec de grands mots. Le problème avec les études d'arts plastiques en université, c'est qu'on nous demande de beaucoup réfléchir, de beaucoup lire et écrire (avec les contraintes du style universitaire). Mais où alors trouve - t' on le temps de produire ? Je considère que la pratique doit être centrale, et autour gravitent l'écriture, les lectures, les réflexions qui en découlent. A l'université il s'agit plutôt du contraire. Voilà une des raisons pour laquelle j'aimerais tant pouvoir rentrer aux beaux arts. Moins de blabla et plus d'action...

5 août 2009

L'icône désincarnée

Voilà un bail que je n'ai pas écrit... Je m'en excuse auprès du peu de personnes qui suivent mon blog, s'il y en a... J'avoue avoir pris un peu de distance, car j'ai du mal à écrire sur un blog qui ne suscite aucun retour. N'hésitez donc pas à poster des commentaires, ils sont les bienvenues, même s'ils sont négatifs, à partir du moment où cela peut-être constructif.

Ce n'est pas évident non plus car je travaille cet été, et je ne peux pas être partout. Mais je pense faire pour les temps qui viennent des posts plus courts. Je posterais ainsi plus souvent. A ce propos la poursuite de mes archives se fera plus tard, pour l'instant place aux nouveautés...

Dernière peinture entamée en date :


J'en reparlerais plus en détail ultérieurement.