25 févr. 2010

De la séduction



Le projet des deux vierges est donc terminé. Un nouveau projet est en cours.

Deux textes également, le premier a été fait début février, dans le cadre du mémoire :

* Peindre les représentations contemporaines de la figure humaines par le biais des images. C'est-à-dire peindre l(es) image(s) de l’Homme.L’image, en tant que non-réalité, en tant que miroir, simulacre. Il ne s’agit plus de peindre des visages de chair, mais de peindre des imago (« moulage de cire du visage des morts »(2), des masques, des apparences, des spectres. Représenter le simulacre, représenter l’image iconique,« meurtrière[s] du réel ».

La peinture vient ici tenter de mettre à jour ces simulacres, d’aller au-delà des apparences, derrière le masque. Le pinceau vient alors disséquer l’image, corps mort, pellicule. De cette dissection, geste vertical fondateur, résulte une mise en miroir horizontale de l’image, qui évoquant la crucifixion, inaugure les dommages que cette dernière va subir.Comme une volonté de faire craquer l’image « facile » par la cruauté. Le sujet aussitôt élu est condamné, la figure double, iconique, est alors aussi bien celle du saint que celle du martyr.(4)

L’image devient un écorché mis en scène, que la peinture tente de pénétrer. Deux types de surfaces sont en lutte : celle de l’image, le motif, le sujet / celle du tableau où vient s’inscrire la peinture. Incisions graphiques, coulures, transparences et opacités se chevauchent, s’imbriquent, et créent un jeu de profondeurs inattendu (par exemple le 1er plan recule, le fond avance), une déconstruction, une fragmentation.

Le tableau est un territoire, un miroir brisé, un corps que l’on parcourt de la peau jusqu’aux os en passant par les tripes.Plus qu’une dissection de l’image, c’est une dissection de la peinture même qui est opérée.

La peinture vient meurtrir l'image meurtrière. Que reste -t-il ? Exposée comme une nature morte pourrissante, image purulente, altérée, effondrée, dévorée par la peinture, le monstre agonisant ne dévoile rien, il n'a pas perdu son masque, et la puissance du simulacre persiste. Sans doute parce que la peinture elle-même est un simulacre (5). Nous sommes alors devant un théâtre du néant, ou les débordements, les flux et les reflux ne contribuent qu’à une surenchère visuelle, luxuriante. La déconstruction de l’image s’est muée en tragédie (6), et ce qui nous reste à voir, c’est une vanité, aussi bien de l’image que de la peinture, que le motif du miroir, persistant, vient ré-appuyer. Simulacre de simulacre, une accumulation de reflets accouchant du néant, mes peintures tentent de rendre « manifeste le conflit de la toile et de l’écran qui définit le statut de l’image moderne. »(7)

(1)Voir à ce sujet les écrits de Baudrillard.

(2) Cécile Guilbert, Warhol Spirit, Grasset, 2008, p163.

(3) Jean Baudrillard, Simulacre et Simulation, Galillée, 1981

(4) Voir Cécile Guilbert, ibid., p.142

(5) Voir Pierre Arnaud et Elisabeth Angel Perez, Le regard dans les arts plastiques et la littérature, P.U. Paris Sorbonne, 2003.

(6) Voir l'oeuvre de Francis Bacon.

(7) Catherine Millet, "Warhol's Phantoms", Art Press n°40, Septembre 1980, Warhol, Art Press Archive, 2009, p.25

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* Peindre des icônes contemporaines, figures de la duplicité. Disséquer l’image de ces icônes, c'est-à-dire l’ouvrir en deux parties pour en faire l’examen anatomique. Tel un cadavre, il s’agit de creuser l’image, creuser l’icône par le biais d’une figure double monstrueuse, pour en révéler la fausseté, le simulacre.La figure devient le support d’une mise en abyme : la peinture vient meurtrir l’image meurtrière du réel.

Mais la peinture peut-elle vraiment prendre le dessus sur l’image, puisqu’elle est elle-même génératrice d’image ? Autrement dit, la peinture peut-elle échapper à l’image, ou bien n’est-elle aussi qu’un simulacre ? Peut-on faire des visages avec des masques ?