12 avr. 2010

Sur la mode . (Baudrillard)






Mon intérêt pour la mode vestimentaire et ses représentations photographiques n'est pas chose nouvelle. Je l'avais déjà évoquée comme étant une source d'inspiration, certaines de mes peintures étant directement issues de photographies de mode.

Cet intérêt et cette fascination grandissants, ayant de plus en plus d'impact sur mon travail et mes recherches m'ont tout d'abord surprise. Pourquoi cette fascination pour quelque chose d'aussi futile, superficiel ? La mode n'est pas un domaine dont ont fait l'éloge, bien au contraire.

Son rapport au commerce, au superficiel et son inutilité totale en font t- elles pour autant un domaine inintéressant ? J'ai donc récemment fait des recherches sur la mode, afin de saisir en quoi cette dernière pouvait être intéressante pour le domaine artistique, sachant tout de même qu'art contemporain et mode se rapprochent de plus en plus (Warhol a d'ailleurs sûrement été un des premiers initiateurs).

Mes lectures m'ont apporté plus que je ne pouvais l'espérer, et l'éclairage sur mes recherches est conséquent. Ici quelques extraits de L'échange symbolique et la mort de Jean Baudrillard, où un chapitre entier est consacré à la mode.

" Dans ce sens, on peut dire que tous [les domaines] sont hantés par la mode. Car celle-ci peut s'entendre à la fois comme le jeu le plus superficiel et comme la forme sociale la plus profonde - l'investissement de tous les domaines par le code."

" Sous le signe de la mode, ce sont toutes les cultures qui jouent comme simulacres dans une promiscuité totale."

" Tout aujourd'hui est affecté dans son principe d'identité par la mode. Précisément par la puissance qu'elle a de reverser toutes les formes à l'inorigine et à la récurrence. [...] Mort et résurrection spectrale des formes." Gras

" Esthétique du recommencement : la mode est ce qui tire frivolité de la mort et modernité du déjà-vu. Elle est le désespoir que rien ne dure, et la jouissance inverse de savoir qu'au delà de cette mort, toute forme a toujours la chance d'une existence seconde, jamais innocente, car la mode vient dévorer d'avance le monde et le réel : elle est le poids de tout le travail de mort des signes sur la signification vivante [...]."

"Ainsi la jouissance de la mode est celle d'un monde spectral et cyclique de formes révolues, mais ressuscitées sans fin comme signes efficaces. Il y a comme un désir de suicide, dit König, qui ronge la mode et se réalise au moment où elle atteint son apogée."

"La mode trouve son vertige dans la surface seule, l'actualité pure."

" Il y a une "pulsion" de mode [...] désir d'abolition du sens et d'immersion dans les signes purs [...]."

"Pour Oscar Wilde, "toutes deux [la mode et la collection] donnent à l'homme une sécurité que jamais même la religion ne lui a donnée." "

" Faire son salut dans la mode. Passion collective, passion des signes, passion du cycle [...]. "

" Elle [la mode] qui désinvestit les signes de toute valeur et de tout affect, elle redevient une passion, passion de l'artificiel."

" Au de là du beau et du laid, de l'utile et de l'inutile, c'est cette immortalité par rapport à tous les critères, cette frivolité qui donne parfois à la mode sa force subversive [...]"

" Ni le pratique ni le logique ne sauraient justifier l'extravagante aventure du vêtement, superflue donc nécessaire, la mode ressortit à la religion. "

" Passion de la futilité et de l'artificiel qui est plus fondamentale peut-être que la pulsion sexuelle. Dans notre culture rivée au principe d'utilité, la futilité joue comme transgression, comme violence et la mode est condamnée pour cette puissance qu'il y a en elle du signe pur qui ne signifie rien."

" Livré aux signes de la mode le corps est sexuellement désenchanté, il devient mannequin. "

Et enfin une petite citation toujours extraite du même ouvrage, mais qui illustre parfaitement ce que je pense du mémoire, et du "forcing" à l' intellectualisme pratiqué en faculté d'arts plastiques (et auquel je me plie tant bien que mal) :

" Sous couleur de restituer le "fond des choses" on louche inconsciemment sur le vide".

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